En France, depuis 1986, les entreprises peuvent fixer librement le prix de leurs produits ou services. Les méthodes qu’elles utilisent pour cela sont donc également à leur libre discrétion (sous réserves de quelques exceptions, voir : prix imposés, prix conseillés, prix abusivement bas, abus de position dominante).
Trois approches distinctes peuvent permettre de fixer le prix de vente d’un produit, d’un service :
- l’approche par coûts,
- par la concurrence,
- par la demande.
Une analyse un peu approfondie des pratiques montrent qu’en fait ces trois approchent sont utilisées systématiquement en complémentarité.
Par exemple :
- un prix fixé à partir d’un coût est également validé (plus ou moins formellement) du point de vue de la demande et de la concurrence.
- une entreprise qui décide de pratiquer une stratégie de pénétration devra s’assurer de la compatibilité de celui-ci avec ses coûts, s’intéresser à la réaction potentielle de la concurrence…
1 Approche par les coûts
Pour respecter l’objectif (ou la contrainte) de rentabilité l’entreprise doit vendre un produit à un prix plus élevé que le coût qu’elle supporte.
Très fréquemment l’entreprise ne connaissant pas le coût de revient complet d’un produit, c’est un coût partiel qui sert de référence (le coût d’achat par exemple). La différence entre ce coût partiel et le prix qu’il sert à déterminer doit permettre de couvrir les autres charges et de réaliser des profits.
Ces méthodes en raison de leur caractère très opérationnel sont souvent mises en œuvre.
Les principales méthodes employées sont :
- Le coefficient multiplicateur : il s’agit de multiplier un coût (coût d’achat, coût de production par exemple) par un coefficient pour obtenir le prix de vente. Le coefficient est librement fixé par l’entreprise mais les habitudes professionnelles jouent souvent un rôle important.
En restauration par exemple il est très habituel de fixer le prix de vente des plats en appliquant un coefficient multiplicateur au coût matière du plat (coefficient se situant souvent entre 2 et 4).
- La technique « coût plus marge » (ou méthode « cost plus ») : il s’agit tout simplement de rajouter une marge (en euro ou en pourcentage) à un coût partiel.
Les voyagistes par exemple fixent fréquemment le prix des forfaits de cette manière : ils additionnent les coûts des prestations incluses dans le forfait puis ils ajoutent une marge (destinée à couvrir les autres charges et à faire du profit) pour obtenir le prix de vente.
- Le taux de marge : il s’agit d’un pourcentage rajouté en général au prix d’achat. Ce procédé est très fréquent dans les activités de négoce.
Par exemple une bouteille d’Armagnac est achetée 80€ HT et revendue dans la boutique d’un hôtel en appliquant un taux de marge de 35% on obtient un prix de vente HT de 80 + (80 X 0,35) =108€. Le taux de marge est librement fixé par l’entreprise (mais les habitudes professionnelles jouent souvent un rôle important).
- Le taux de marque : le taux de marque est la marge commerciale exprimée en pourcentage du prix de vente HT. Le taux de marque peut servir à calculer le prix de vente ainsi : Prix de vente = (Prix achat / 1 – taux de marque).
Par exemple une maquette de bateau est achetée 12€ par la boutique d’un musée le taux de marque souhaité est de 20% le prix de vente sera de : 12/0,8 = 15€.
- Approche marginale et coût moyen : très souvent le coût marginal (le coût supplémentaire généré par la commande) est utilisé pour évaluer le prix de vente minimum à proposer lors d’une négociation.
Par exemple pour les VDM (Ventes de Dernières Minutes de produits touristiques) le prix peut être bradé mais il ne doit pas être inférieur à son coût marginal (c’est à dire au coût supplémentaire que le client VDM va générer).
L’approche marginale peut se justifier ponctuellement mais à moyen terme le prix moyen vendu se saurait être inférieur au coût moyen (complet) supporté sans mettre en péril la rentabilité de l’entreprise.
Par exemple l’ancienne règle du 1000éme en hôtellerie, selon laquelle une chambre devait être vendue au millième de son coût de construction, a la vertu de rappeler l’exigence d’équilibre entre le prix de vente et le coût (synthétisé ici par le coût de construction).
Il faut noter, pour terminer sur cette approche par les coûts, que pour certaines activités (par exemple dans le domaine des services) il est fréquent que les coûts unitaires directs soit très peu significatifs (par exemple dans un hôtel ou dans une compagnie aérienne) ce qui rend pratiquement impossible l’utilisation d’une des méthodes précédentes.
Les habitudes professionnelles concernant les coefficients multiplicateurs, les taux de marge… trouvent leur origine d’une part dans la structure des coûts de l’entreprise, d’autre part dans l’expérience acquise quant aux prix acceptés par les clients, enfin dans le fait qu’en reproduisant ces habitudes un professionnel s’aligne, plus ou moins, sur les pratiques de la concurrence.
Par exemple un restaurateur qui fixe le prix à la carte d’un vin de pays en appliquant un coefficient multiplicateur de 4 à son prix d’achat sait :- qu’ainsi il peut couvrir ses autres charges (notamment de personnel) – que le prix de vente semblera acceptable au client – que le même vin chez un concurrent sera probablement vendu à un niveau de prix comparable. C’est donc très pratique pour lui.
2 Approche par la concurrence:
Pour la plupart des produits il existe un « prix de marché » (souvent local) autour duquel tous les concurrents se positionnent. Ce « prix de marché », cette référence, est le résultat de l’ensemble des forces en présence sur le marché (offre et demande). Le « prix de marché » n’est pas l’objet d’une publication mais il est soit :- un prix moyen dont tous les concurrents sont assez proches soit – le prix affiché par un des concurrents servant de référence à tout le marché (généralement le leader).
Plusieurs possibilités s’offre à l’entreprise :
- Alignement du prix : il s’agit dans ce cas de fixer le prix de vente au niveau du « prix de marché ». Cette méthode présente de nombreux avantages : elle peu agressive vis à vis de la concurrence, elle permet de bénéficier de l’expérience du marché (on sait que ce prix est accepté par les clients et que les concurrents arrivent à couvrir leurs charges à ce niveau de prix).
Mais cette méthode n’est pas toujours praticable (par exemple pour les nouveaux produits, les nouveaux marchés) et pour gagner des parts de marché elle exige d’avoir une forte différenciation et/ou un avantage concurrentiel important par ailleurs. - Fixation du prix à un niveau sensiblement plus élevé que le prix de marché, dans ce cas l’entreprise doit justifier la différence de prix aux yeux du consommateur : qualité, image, rareté…
- Fixation du prix à un niveau sensiblement inférieur au prix du marché dans l’objectif de gagner des parts de marché. Cette politique peut être efficace (lorsque l’élasticité prix est forte par exemple) mais elle comporte également des risques : la perception de la qualité est parfois dégradée, les réactions de la concurrence peuvent être rapides et radicales.
3 Approche par la demande:
Bien que le rôle de la demande dans la détermination du prix ne soit jamais contesté, les techniques opérationnelles de fixation du prix à partir de la demande sont relativement rares.
- Technique des prix d’acceptabilité ou prix psychologique (lire le focus sur cette méthode ici) : L’objectif de cette méthode est de fixer le prix de manière à ce qu’il soit accepté par un maximum d’acheteur. Il s’agit d’interroger un échantillon de consommateurs, de déterminer pour chacun d’entre eux la « fourchette » de prix à l’intérieur de laquelle ils achèteront le produit. Le prix retenu sera celui donnant satisfaction au maximum d’individus de l’échantillon (pour la mise en œuvre pratique : voir prix psychologique).
Cette méthode, satisfaisante dans ses principes, se heurte à de nombreux obstacles :
- Sa mise en œuvre est lourde et coûteuse (elle nécessite une enquête et demande du temps). On imagine mal, par exemple un restaurateur, fixer de cette manière les 50 prix de sa nouvelle carte deux fois par an.
- Le questionnaire est difficile à établir et à administrer. Par exemple la limite inférieure de la « fourchette » d’acceptation d’un prix par un individu est difficile à connaître (« Quel est le prix minimum que vous êtes prêts à dépenser pour une journée chez Center Parc ? » la réponse est souvent « 0 » même lorsque l’interviewé est intéressé par le produit). »).
- La méthode ne vaut que lorsque l’objectif de l’entreprise est de maximiser son volume de ventes. Ce qui n’est pas toujours le cas: la maximisation du chiffre d’affaires, de la marge sont, par exemple, des objectifs très fréquents.
Finalement, pour résumer, cette méthode des prix d’acceptabilité trouve sa justification pour la fixation des prix des produits de grande consommation avec un objectif de maximisation du volume des ventes.
- Le calcul des élasticités-prix ( = la sensibilité de la demande face aux variations de prix) et la fonction de demande (courbe montrant l’évolution de la demande en fonction du prix) aident à connaître l’évolution de la demande en cas de variation du prix (ce calcul peut être fait de manière expérimentale sur un point de vente ou par enquête), mais ne permettent pas de fixer un prix ex nihilo (par exemple dans le cas du lancement d’un produit nouveau).
- Les enchères classiques ou inversées, permettent également de fixer le prix à partir de la demande mais les conditions dans lesquelles ces méthodes s’appliquent sont assez rares.
La relative faiblesse de ces dernières méthodes de fixation de prix (basées sur la demande) s’explique sans doute plus par la difficulté qu’ont les entreprises à appréhender la demande que par leur désintérêt du sujet.
Notons enfin, pour terminer, que le « revenue management » ou « yield management », n’est pas à proprement parler une méthode de fixation des prix : une entreprise pratiquant le « revenue management » doit arrêter sa grille tarifaire en fonction de ses coûts, de la demande, de la concurrence. Le système d’information exigé par le « revenue management » peut être très utile à la connaissance de la demande et donc à la fixation des prix mais il n’est pas suffisant à lui seul. Le « revenue management » complexifie également la tâche : en multipliant les classes tarifaires ( c’est à dire le nombre de prix différents), en rendant plus difficile le contrôle de la compétitivité de chaque tarif (d’autant plus que généralement les concurrents pratiquent aussi le revenu management).